L'extrait choisi est tiré de "Cours Dillon – Garonnette, trajectoires contrastée de deux formes fluviales anciennement exploitées" (2023), un texte qui nous éclaire sur le dialogue, parfois houleux, qui existe ente la dynamique fluviale naturelle et l'action humaine, qui influence très largement les formes de la ville actuelle.
Aussi bien pour la prairie des filtres et le cours Dillon que pour le quai de Tounis et l’avenue de la Garonnette, on constate que les formes de la ville actuelle sont le fruit d’un dialogue, parfois houleux, entre la dynamique fluviale naturelle et l’action humaine.
La prairie des filtres, dont on a su tirer profit pour alimenter Toulouse en eau propre, a aujourd’hui perdu ce rôle technique en faveur d’une fonction d’agrément tout autant bénéfique pour la ville : un grand parc public, perméable et planté.
Le cours Dillon et le quai de Tounis manifestent quant à eux la volonté de se prémunir des risques liés aux crues tout en proposant de grandes circulations arborées, en promontoires sur la Garonne.
D’une manière générale, ces lieux offrent des vues imprenables sur la ville rose, ses ouvrages emblématiques, sa rivière et les ponts qui la franchissent.
L’avenue de la Garonnette signe quant à elle le paradigme de l’après-guerre, où l’approche techniciste et fonctionnaliste dominait les esprits. Aujourd’hui, tandis que les considérations écologiques et les problématiques de chaleur en ville s’imposent progressivement dans les décisions d’urbanisme, il serait difficile d’imaginer la transformation d’un cours d’eau en rue. Cela dit, la présence de la grande porte étanche montre bien que la technique a encore sa place pour tenter de préserver la ville des fluctuations de Garonne.
La prairie des filtres : l’appropriation d’une grève sableuse, théâtre vert en cœur de ville
En rive gauche la prairie des filtres tient son nom de cette grande langue de terre sablonneuse qui, grâce à des galeries filtrantes, était utilisée pour purifier l’eau limoneuse de Garonne et ainsi alimenter le Château d’Eau de Toulouse au début du XIXe siècle.
Aujourd’hui, cet atterrissement lié aux dynamiques fluviales a été conservé et entièrement consacré à l’espace public, en proposant un parc inondable unique en bord de rivière. Au fil du temps, cet espace est devenu incontournable pour les riverains qui s’y retrouvent lors de nombreux événements culturels et sportifs, mais aussi simplement pour se réunir ou se promener sur la seule berge végétalisée accessible en cœur de ville.
Entièrement submersible en cas de crue, la prairie des filtres a de fait pour principal atout de ne pas être constructible. On y trouve de grandes surfaces enherbées, une ripisylve rythmée par des ouvertures sur la Garonne, des arbres et des cheminements doux qui contrastent avec un environnement urbain très minéral.
La promenade du Cours Dillon : les coulisses encombrées et dépréciées de la prairie des filtres
En limite haute du parc de la prairie des filtres, un mur de briques dessine le passage du cours Dillon. Datant du XVIIIe siècle, il est conçu comme un ouvrage de protection contre les crues tout comme un lieu de promenade planté de platanes en bord de Garonne.
Pour autant, il ne résista pas à la grande crue de 1875 qui passa outre le mur-digue en faisant de nombreux dégâts côté Saint-Cyprien.
Aujourd’hui, bien qu’ayant conservé son caractère de grande allée piétonne arborée, l’identité du cours Dillon est brouillée par des fonctions urbaines peu qualitatives comme une voie de stationnement qui s’étend sur toute sa longueur, ainsi qu’une gare routière à l’une de ses extrémités au bout du Pont Neuf.
Cependant, s’il constitue une artère importante de Toulouse, en recevant depuis ses débuts de nombreuses manifestations ou événements publics comme des foires, il est aussi devenu un boulodrome bien connu des amateurs. Les murs de soutènement qui le longent sont à plusieurs reprises interrompus par des escaliers simples ou doubles, dans l’esprit des digues Saget, permettant des perméabilités transversales en desservant d’un côté la prairie des filtres, de l’autre la rue Laganne et son enfilade d’immeubles résidentiels.
La façade bourgeoise de l’île du Tounis et les emblématiques digues «Saget» en brique.
Au contact de la Garonne, la digue Saget entièrement revêtue de briques roses fait partie du patrimoine identitaire Toulousain. À son pied, une grande promenade minérale parcourt tout le centre-ville par la berge jusqu’au Bazacle. Rénové récemment, ce cheminement qui a régulièrement les pieds dans l’eau est bordé par des surfaces engazonnées où s’installent les personnes venues profiter de cet espace au plus près de Garonne et abrité de la ville par l’immense mur-digue en surplomb.
Au-dessus, le quai de Tounis est une rue bien connue de Toulouse pour son alignement de grands platanes, mais aussi pour sa façade en briques typique. Les immeubles qui la composent sont du XIXe et du XXe siècle, occupés par des appartements très prisés pour leur architecture remarquable, ainsi que pour leur situation en cœur de ville, avec vue sur la Garonne… en hiver. Ce quai, initié en 1677, mais terminé seulement en 1856 est imaginé pour protéger l’île de Tounis alors occupée par des pêcheurs, tanneurs ou lavandières, mais aussi les moulins du château Narbonnais. À l’époque, ces moulins utilisaient la Garonnette, bras secondaire de la Garonne passant dans le dos de l’île de Tounis, pour en faire son canal de fuite.L’avenue de la Garonnette : l’effacement d’un bras de Garonne et son intégration difficile à la ville
Utilisé jusqu’en 1924 pour entraîner les roues à eau des moulins qui l’enjambent, son cours est longé par des activités nécessitant l’eau comme les abattoirs, les tanneries ou encore les corroieries. L’arrêt des vannes de ses moulins pour donner plus de puissance à ceux postés directement sur la Garonne (notamment la centrale du Ramier) amorce l’assèchement et le changement de morphologie du cours d’eau qui devient insalubre.
Dans les années 1950, suite à la destruction du moulin principal, on décide alors de combler sur toute sa longueur la Garonnette. Le moulin est remplacé par un immeuble résidentiel, le port Garaud disparaît, et l’ancien bras enfoui devient la « rue de la Garonnette ». Elle est dès lors utilisée pour du stationnement et pour la desserte des nouveaux immeubles qui se construisent sur les espaces gagnés. La Garonnette, et par conséquent l’île de Tounis, a disparu.
Aujourd’hui, l’avenue de la Garonnette, apparaît comme une sorte d’incongruité discrète. La façade adossée au quai est composée de quelques maisons et d’immeubles résidentiels datant pour la plupart des années 1970. De l’autre côté,
on retrouve le caractère historique de Toulouse avec des bâtisses plus anciennes revêtues de briquettes roses, et dont les pieds sont pour beaucoup occupés par de petites parcelles jardinées.
Entre les deux façades, si la voie publique consacre toujours une bonne place au stationnement.
Responsable du pôle sensibilisation des publics au Conseil d’architecture d’urbanisme et de l’environnement de la Haute-Garonne (CAUE31), Nicolas Delbert, a une formation de géographe et d’ingénieur en aménagement et développement territorial. Son parcours professionnel est axé autour d’expériences liées à la fabrique des territoires. Il a été directeur du CAUE du Var pendant 6 ans.
Aujourd'hui il accompagne l’évolution du CAUE31 vers une plus grande sensibilisation des publics à la qualité de l’architecture, de l’urbanisme et des paysages.
Il opère un travail de vulgarisation sur les paysages de Garonne intitulé "Autres Garonnes, les paysages racontent le fleuve" avec la création d’une application pour smartphone en réalité augmentée et la rédaction d’ouvrages pour le grand public.
L'extrait choisi est tiré de "Cours Dillon – Garonnette, trajectoires contrastée de deux formes fluviales anciennement exploitées" (2023), un texte qui nous éclaire sur le dialogue, parfois houleux, qui existe ente la dynamique fluviale naturelle et l'action humaine et influence très largement les formes de la ville actuelle.
Responsable du pôle sensibilisation des publics au Conseil d’architecture d’urbanisme et de l’environnement de la Haute-Garonne (CAUE31), Nicolas Delbert a une formation de géographe et d’ingénieur en aménagement et développement territorial. Son parcours professionnel est axé autour d’expériences liées à la fabrique des territoires. Il a été directeur du CAUE du Var pendant 6 ans.
Aujourd'hui il accompagne l’évolution du CAUE31 vers une plus grande sensibilisation des publics à la qualité de l’architecture, de l’urbanisme et des paysages.
Il opère un travail de vulgarisation sur les paysages de Garonne intitulé "Autres Garonnes, les paysages racontent le fleuve" avec la création d’une application pour smartphone en réalité augmentée et la rédaction d’ouvrages pour le grand public.